Violée et étranglée par un ami de la famille, l’enfant a été retrouvée morte sur les indications fournies aux policiers par l’assassin.
KARINE est morte. La terrible information est tombée mardi soir, un peu avant minuit. Avec l’interpellation, à 18 h 30, de Patrick Tissier, le « témoin no 1 », on sentait que l’enquête allait soudain se précipiter. On s’accrochait encore à un espoir. Celui de retrouver l’enfant, âgée de 8 ans, en compagnie de son ravisseur. Mais Patrick Tissier était seul dans sa voiture bloquée par un barrage de police à l’entrée du village de Paulhan (Hérault).
Patrick Tissier n’a pas opposé de résistance aux gendarmes. Il n’a pas nié longtemps être le ravisseur de Karine. Il a rapidement avoué l’avoir violée, puis étranglée. Comme un soulagement. C’est sur ces indications que les enquêteurs découvriront le corps, dissimulé au fond d’un puits par un amoncellement de gravats, près d’une ferme abandonnée à Cabanes-de-Fitou (Aude), sur les bords de l’étang de Leucate. A moins de 30 km de la Cité Ensoleillée, à Perpignan, d’où elle avait disparu le 13 septembre à 18 h 30. La petite fille aurait été tuée dès ce jour-là.
Lundi, le juge d’instruction Danielle Braud avait décidé de diffuser par voie de presse l’identité, la photographie et le signalement de Patrick Tissier. Elle avait mis un numéro de téléphone à la disposition des témoins. Le magistrat avait aussi demandé la plus grande discrétion aux personnes proches de l’enquête. Tout avait commencé par une photographie dans l’appartement de Jocelyne, la maman de Karine. L’instantané est récent. Il date du 24 août. On y voit Patrick Tissier, entouré de Karine et de son petit frère. L’homme est un ami de la maman. Il avait été invité ce jour-là pour fêter ses quarante et un ans.
Or l’homme n’est pas un inconnu pour la justice. Il est recherché. Une jeune fille de dix-sept ans, avec qui il vivait depuis quelques semaines à Perpignan, a porté plainte contre lui. Il l’aurait violée, puis aurait tenté de l’assassiner dans la nuit du 10 septembre. Plus graves encore sont ses antécédents judiciaires. Le 1er mai 1971, à Bourges, sa ville natale, il avait étranglé une jeune coiffeuse de dix-huit ans qui l’avait éconduit. Il sera condamné à 20 ans de prison, le jury des assises du Cher lui ayant reconnu des circonstances atténuantes. Bénéficiant d’une remise de peine, il est libéré une dizaine d’années plus tard. En 1985, il récidive. Les assises de la Haute-Garonne le condamnent à 10 ans de prison pour viol sous menace d’une arme.
Pour les enquêteurs, il devient alors le suspect principal dans l’affaire de la disparition de Karine. D’autant que la maman de l’enfant constate qu’elle ne l’a pas revu non plus depuis le 13 septembre. Mais des témoins affirment l’avoir aperçu à proximité de la cité ce soir-là. Pour Jocelyne, Patrick Tissier n’a rien d’un monstre. Ils se sont rencontrés lors d’un office dominical de la communauté des mormons de Perpignan. Elle ignore évidemment tout de son passé. L’homme est sympathique. Il devient l’ami des enfants. Karine l’appelait « Tonton ».
Hier matin, Marcel Volckaert a appris la mort de sa fille. Il a dû recevoir des soins par des médecins du SAMU. Puis il a convoqué la presse. Il a qualifié le meurtrier de « bête nuisible », a appelé à « la vengeance ». Il a aussi dénoncé la justice « qui laisse sortir de prison des gens qui ne méritent pas de vivre ». « Je fais appel à tous les papas, à toutes les mamans, à toutes les personnes qui aiment les enfants, pour qu’ils m’aident à faire rétablir la peine de mort pour crime sur enfant » a-t-il dit. L’homme n’est que douleur.
Impossible de ne pas être bouleversé. Impossible aussi de ne pas s’interroger sur le fonctionnement de la justice et l’inadaptation de ses réponses en pareil cas. Pas forcément avec les mêmes arguments que ceux d’un père anéanti. Patrick Tissier a été plusieurs fois condamné. La justice a joué son rôle répressif. Patrick Tessier a multirécidivé. Sa perversité morbide ne nécessitait-elle pas une toute autre attention ?
DOMINIQUE BEGLES.